Un cycle complet
Il se tenait droit comme un I, et je l'ai trouvé tellement grand, tellement massif, tellement masculin que j'en ai presque été intimidée. Mais ça n'a duré qu'un instant, car lorsqu'il a parlé, sa voix -bien que grave- a trahi son manque d'assurance.
Je me suis souvenue alors, la première fois que je l'avais vu à son arrivée, quatre ans plus tôt. Nerveux, il ne tenait pas en place et ne manquait pas une occasion de se faire remarquer. Certains tenaient des propos alarmistes, disant qu'il fallait s'en méfier, qu'il nous ferait souci... mais moi, je croyais en l'étincelle de bonté et de sincérité qui brillait dans ses yeux rieurs.
Nous ne nous sommes plus vu pendant un an. C'est lorsque nous nous sommes retrouvés que je me suis mise à l'appeler Momo, surtout lorsqu'il m'agaçait. Ça le séchait sur place. Il restait muet et interdit, les yeux écarquillés, soufflé par mon audace.
Et puis à nouveau, nous nous sommes à peine croisé pendant un an. Jusqu'à hier, quand je l'ai retrouvé dans ce bureau où il était passé régler quelques détails administratifs.
- Alors, Momo? C'est la bonne ce coup-ci, tu t'en vas?
- Ouais.
- Pardon?!
- Euh, pardon: oui. J'ai été admis.
- C'est bien, je suis contente pour toi.
- Merci.
- Tu passeras nous donner des nouvelles, pas vrai? Parce que tu sais, tu vas me manquer Momo...
- Vous aussi madame, vous allez me manquer.
C'était tellement inattendu, que cette fois-ci, c'est moi qui suis restée sans voix, les yeux écarquillés... et un peu humides.
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