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la girouette
6 avril 2006

Fuck the pain away 1

Bon, bien sûr, faut pas être devin pour se rendre compte que c'est grosse déprime et compagnie en ce moment, kleenexes mouillés et sanglots-violons qui vont avec.
Je finis par croire que je suis une maniaco-dépressive qui s'ignore (plus qu'à moitié maintenant, de fait). D'ailleurs aussi loin que je me souvienne avoir réalisé que j'ai une voix dans ma tête là-haut avec qui je peux faire des dialogues et tout même quand j'ai pas envie (après on t'apprend que c'est ta "conscience"), c'est à dire depuis l'âge de quatre ans et demi au moins, je ne crois pas que j'aie jamais longtemps vécu sereinement avec moi-même sans finir par me poser dix milliards de questions angoissantes ou déprimantes (après on t'apprend que c'est le "spleen").
Quatre ans et demi, n'importe quoi?... Non, non.

Nous étions logées, avec ma mère, dans un foyer pour femmes seules avec enfant(s) n'ayant pas les ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur petite famille. Nous avions atterri là après qu'elle se fût enfuie de la maison avec pour uniques bagages une seule valise, mon lit d'enfant et moi. Le périple en pleine nuit, sa meilleure amie secrètement venue la chercher en 2CV. Pour une fois que mon père n'avait pas pu nous enfermer, elle avait sauté sur l'occasion.
Mille fois j'ai entendu cette histoire.
Je me rappelle avoir passé des heures dans la nursery avec les tous petits bébés (et non à la crèche, où était ma place), parce que j'étais fascinée par leur petite taille, leur vulnérabilité et par le fait qu'il faille s'en occuper en permanence: les nourrir, les bercer, les changer, les tenir... de vraies poupées vivantes. Mais ce qui me fascinait le plus, c'était de penser que par le passé, moi aussi j'avais été si petite et dépendante. Un jour une puéricultrice s'est étonnée de ma présence, ce à quoi celle que je suivais lui a répondu: "Écoute, elle est sage, elle n'embête personne et elle a l'air de se régaler. Je m'en occupe." Et là, je me rappelle très nettement avoir pensé dans ma petite tête frisée, que si je voulais continuer à assister au spectacle et mettre la main à la pâte (on faisait semblant de me faire tenir le bébé sur la table à langer du haut de ma taille de gnome qui devait tendre le bras pour à peine toucher une minuscule cheville qui dépassait d'un chausson de laine), j'avais intérêt à continuer de faire comme elle disait la madame. Et aussi, que maman serait trop fière.
Présente ou pas, maman finissait toujours par faire partie de l'histoire.
Je me souviens aussi de ce jour où mon père avait exercé son droit de visite et était venu me chercher, et qu'il avait cherché à emmener maman de force. Comme elle se débattait et criait, il lui disait de se taire et la tirait de toutes ses forces par le bras. Je me rappelle m'être jetée dans ses jambes en criant: "Tu vas lui casser le bras! Arrête! Arrête!" Et de m'être mise à hurler de toutes mes forces sans discontinuer alors que la petite voix dans ma tête répétait inlassablement: "Il va m'entendre, il va s'arrêter. Il va m'entendre, il va s'arrêter. Il va m'entendre, ...". Il faisait un grand soleil, ce devait être le printemps.
Ma mère travaillait, mais il fallait rembourser les dettes de mon père avant d'espérer mettre le moindre sou de côté. Nous avons quitté les lieux pour un petit P2 au 7ème étage d'une cité glauque. Maman était très fière. J'avais alors quatre ans et demi.
Je n'ai pas beaucoup d'autres souvenirs de cette époque, mais ceux que je garde malgré moi sont tenaces.

J'ai donc toujours bataillé avec ma conscience. D'abord en pensant que les choses seraient plus faciles pour ma mère si je n'étais pas là, tout en sachant pertinemment que j'étais ce qu'elle avait de plus précieux au monde. Ensuite et en conséquence, en lui dissimulant tout ce qui était susceptible de lui compliquer l'existence, comme les maltraitances de ma nourrice et de son second mari qui m'avait battue au ceinturon; mais je tentais de rester assez vigilante pour juger du jour où les choses iraient trop loin et où il faudrait tout dire (elle déménagea avant ma dernière année de maternelle).
Comme mes interrogations sur l'absence de mon père, et mes craintes pour lui après que j'aie entendu une conversation où il était question de son internement et de son sevrage à l'alcool... inquiétudes mêlées de culpabilité à cause de ce même père que je me devais de haïr mais dont la présence me faisait cruellement défaut.

Bref, d'aussi loin que je me rappelle, ça n'a jamais été évident pour moi de couler une petite existence tranquille à propos de laquelle je ne sois pas sans arrêt en train de m'interroger ou de me lamenter.
Ça n'a jamais été facile.

Et là, avec mes pensées qui m'envahissent la tête, lui qui peuple à nouveau mes rêves et mes larmes à fleur de paupières, on ne peut pas dire que ce soit la fête à la maison.
Et tu crois que je vais me laisser faire peut-être?
Mais t'as tout faux, et sur toute la ligne. Je suis un bulldozer, un bazooka anti-baissage-de-bras. Je ne sais même pas pourquoi je me bats. Je ne trouve même pas que ça vaille le coup de me battre pour moi. Mais j'y vais, j'avance, je me fous des coups de pieds au cul et je continue. Je cuisine pour moi, je cuisine pour mes amis, je fais le régime, je reprends le sport, je m'investis à fond dans mon boulot et dans mes projets, j'arrête de fumer, je sors avec mes amis, je programme des soirées et des voyages, je découvre, j'économise, je fais en sorte d'améliorer mon quotidien. Je prends des râteaux mais j'essuie le revers et je recommence ailleurs, autre chose, avec quelqu'un d'autre. Je fais en dépit de la sensation que ça ne me sert à rien. D'où ça me vient, je n'en sais rien. Où est-ce que je pense que ça me mène?, à rien. Je ne tente plus d'envisager l'avenir car il m'apparaît comme un mur d'agglo tellement collé à mon nez que je n'en vois pas le haut.
Mais il y a ce truc au fond de moi, tantôt la rage, tantôt l'instinct, tantôt l'inconscience qui fait que j'y vais.

Quoiqu'il arrive, encore et encore, au final c'est toujours: FUCK THE PAIN AWAY.

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Commentaires
1
Courage miss, même si nous ne pouvons pas tous percevoir ce que tu as dû subir, nous pouvons tout de même t'écouter et t'aider si besoin est...<br /> <br /> kiss ! :)
Y
A la deuxième question, je réponds oui.<br /> Comme un atemi dans le plexus solaire.
M
Pourquoi personne n'a mis de comm sur cette page ? parce que ça laisse sans voix ? <br /> J'aime les gens qui restent debout dans la tempête !
la girouette
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